Les drones à la frontière inquiètent
Depuis deux semaines, les forces de police sont autorisées à utiliser des drones pour surveiller le passage illégal de migrants. Le tribunal administratif de Pau devait se positionner sur la légalité de ce dispositif en début de semaine.
Gara, , 13-07-2023Le tribunal administratif de Pau a étudié, le 10 juillet, un arrêté qui autorise l’utilisation d’un drone dans la surveillance du passage illégal de migrants par la Bidassoa cet été. L’Association des avocats pour la défense des étrangers, basée à Pau, a saisi la justice d’un référé-liberté le 8 juillet dernier, considérant que l’arrêté préfectoral du 28 juin, qui autorise la surveillance par drones, représente une atteinte aux libertés fondamentales, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée des citoyens. Le délibéré devait être connu mercredi 12 juillet, mais à l’heure du bouclage de cette édition, il ne l’était toujours pas.
“La préfecture explique avoir besoin de ces outils à cause d’une baisse d’effectifs. Les drones sont donc envoyés sur une zone de 22 km², ce qui est énorme”, explique Isabelle Casau, présidente de l’association. Ce qui l’inquiète, c’est une surveillance généralisée dont les citoyens n’ont pas été notifiés : “Tous les habitants de la zone pourraient être filmés de 9 heures à 18 heures”.
Selon l’avocate, le préfet des Pyrénées-Atlantiques aurait refusé d’informer les communes concernées “pour des raisons de sécurité”. “Cela porte atteinte au droit à la vie privée. Ce n’est pas rien de se dire qu’il y a un objet qui circule avec, derrière lui, un opérateur qui vous voit et qui vous regarde”, souligne l’avocate, présente lors de l’audition au tribunal administratif de Pau.
La préfecture assure de son côté qu’il n’y aura pas “d’atteinte aux libertés individuelles puisqu’il y a une interdiction formelle de filmer l’intérieur et le seuil des habitations individuelles”.
“Migrer est un droit”
Cédric Herrou, militant actif pour les droits des exilés dans la vallée de la Roya, a vu le même dispositif s’installer dans sa région. “Nous aussi on a ces drones dans les Alpes-Maritimes et on a, en plus, un avion qui tourne en permanence.” Dans ce département, la préfecture a autorisé leur usage du 10 mai au 9 août dans le but de réguler le passage de migrants à la frontière franco-italienne.
L’agriculteur, qui s’est fait connaître après une arrestation en 2016 pour “délit de solidarité” suivie d’un procès qu’il a remporté, s’inquiète d’une possible dérive du contrôle aux frontières : “Le problème, c’est que plus on va militariser la frontière, plus on va favoriser les réseaux de passeurs et la clandestinité, alors que migrer est un droit”.
“Il faut faire attention à ce à quoi on s’habitue”
Comme au Pays Basque, la décision s’appuie sur un décret gouvernemental du 19 avril qui autorise “la surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier”. Depuis 2015, dans le but affiché de lutter contre la menace terroriste, la France a rétabli les contrôles aux frontières. L’accord de Schengen précise pourtant qu’un pays membre ne peut les rétablir que “durant une période limitée” et “lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent”.
Cela fait maintenant huit ans que le contrôle aux frontières est renouvelé systématiquement en France (lire l’encadré ci-dessous). “Il y a un dévoiement de la loi par le ministère de l’Intérieur et les préfets, qui représentent l’État”, s’indigne le militant.
Le délibéré devrait être communiqué dans les prochains jours.
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