Face au cynisme des politiques migratoires,un devoir d’humanité

L’actualité de ces derniers jours a été marquée par des actions de solidarité envers les personnes migrantes qui traversent le Pays Basque et par l’investiture de Donald Trump.

Gara, Tidjan Peron, 24-01-2025

Comme souvent, la traversée du pont Santiago, entre Hendaye et Irun, devrait se faire dimanche 26 janvier dans l’émotion. D’une part et d’autre de ce pont qui enjambe la Bidassoa se trouvent le Labourd et le Gipuzkoa, le Pays Basque Nord et Sud, les autorités françaises et espagnoles. Le 14 mars dernier, la traversée se faisait au son des txalaparta, sous les slogans de la Korrika, la grande course-relais pour la promotion de la langue basque. Ce dimanche, elle se fera dans une atmosphère différente mais toujours revendicative : en soutien aux militants qui, par solidarité avec les personnes migrantes, assument avoir aidé 36 d’entre elles à franchir ce point de passage qui leur est habituellement fermé.

Deux jours plus tard, le 28 janvier, sept de ces activistes seront appelés devant le tribunal de Bayonne, accusés d’appartenance à une bande organisée et d’avoir fait passer la frontière illégalement à des personnes migrantes. Depuis leur interpellation, plus d’un millier de personnes se sont auto-inculpées, en signant de leur nom une déclaration affirmant qu’eux aussi avaient participé à cette action, et invitant les forces de l’ordre à les ajouter au coup de filet. Face aux politiques répressives de l’État français, qui décide, tous les six mois, de prolonger ses mesures d’exception à l’encontre des principes de libre circulation dictées par l’espace Schengen, la solidarité tient bon. Mardi 21 janvier, l’association écologiste Bizi! a reversé les bénéfices de son réveillon solidaire annuel à trois associations locales d’aide aux personnes migrantes.

À côté de ces initiatives, le couloir migratoire qu’est le Pays Basque est aussi le témoin de scènes plus dramatiques. Depuis 2021, on dénombre au moins neuf morts sur la route de l’exil, dont cinq dans les eaux dangereuses de la Bidassoa, tentant de fuir les contrôles de police. Lundi 20 janvier, un jeune homme de 28 ans, de nationalité indienne, a été condamné à Bayonne à deux ans et demi de prison pour avoir transporté des personnes en situation irrégulière vers le Portugal. Ils étaient 16 dans un véhicule prévu pour neuf, aux vitres arrières bombées de peinture noire. Le conducteur a été interpellé au péage de Biriatou. À la barre, il a expliqué être titulaire d’un titre de séjour portugais. Comme lui, de nombreux migrants basés en Belgique, en Allemagne, en Autriche ou en Pologne, où leur communauté est implantée, sont contraints de se rendre fréquemment dans leur pays d’entrée dans l’Union européenne, pour espérer régulariser leur situation. Contraindre des personnes sans papiers à traverser illégalement des frontières pour espérer en obtenir, voilà un autre exemple du cynisme des politiques migratoires.

Lundi 20 janvier toujours – le calendrier réserve parfois aussi sa dose de cynisme – l’actualité a été marquée par le retour au pouvoir de Donald Trump, officiellement investi 47e président des États-Unis. Au même moment, Margelis Tinoco, une femme de 48 ans de nationalité colombienne, croisait la route de journalistes à Ciudad Juarez (Mexique), ville frontalière avec le Texas. En pleurs, elle venait d’apprendre que son rendez-vous prévu le jour-même avec l’administration américaine pour entrer légalement aux États-Unis venait d’être annulé. Les politiques liberticides n’attendent pas. Peut-être qu’à l’occasion d’une course, d’un repas solidaire ou d’une maraude, les migrants sud-américains pourront retrouver un peu d’humanité.

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